L'esprit de Noël s'en est allé!

Publié le par Flo

 Il y a des régions où Noël ne signifie plus rien. Celles qui traversent une grave crise économique sont de celles-ci, à l’image du Beaujolais qui tente, malgré tout, de remonter la pente. Une pente qui risque de s’avérer bien raide. S’il existait un baromètre permettant de mesurer le niveau du moral, il ne serait pas bien élevé. Point de vue global sur la situation de la région.

 

« Petit papa Noël

Quand tu descendras du ciel…

N’oublie pas de me trouver de nouveaux marchés ! »

Telle pourrait être la prière de tous viticulteurs du Beaujolais en cette fin d’année 2007.

Il suffit de prendre le volant, de visiter les différents villages qui jalonnent les vallons du Beaujolais pour s’en rendre compte. Peu de choses nous rappellent Noël, cette période autrefois synonyme de joie, de bonheur, de convivialité.

Les devantures des petits commerces, les illuminations des communes semblent ternes. Hormis quelques particuliers qui s’essayent tant bien que mal à donner un semblant de goût festif à leur domaine, rien de très féérique. Rien qui ne donne envie de passer ces fêtes de fin d’année.

« Quel est le problème ? » se demandent certains.

François, un enseignant de 28 ans récemment arrivé dans la région, croit qu’il s’agit uniquement du climat « Il fait trop chaud… On a du mal à croire que Noël arrive dans moins de deux semaines… Au début du mois, je me baladais encore en short ». Mais ceux-ci sont rares. Ceux-ci ne connaissent rien de la situation économique du Beaujolais.

Beaucoup d’autre sont plus réalistes.

 

« Le déclic, ça a été l’article de LyonMag »

 

Les Beaujolais ont compris que les temps sont durs. « Je crois que le déclic a été lorsque LyonMag a publié son article qui nous a descendu, nous, les viticulteurs. Ils ont été dire que le Beaujolais, ce n’est que de la merde… Ca n’a pas plu ! Les syndicats ont intenté un procès, mais que faire face au pouvoir des médias ? Le mal était fait. Il ne nous restait plus que nos yeux pour pleurer… ou nos muscles, pour travailler ». Jean, viticulteur dans la région de Beaujeu, a confié son point de vue. Il a fallu du temps pour le mettre en confiance. L’aura de LyonMag plane encore au-dessus des journalistes qui osent s’aventurer dans le méandreux Beaujolais.

Un autre, accoudé au comptoir du bar dans lequel j’ai rencontré Jean, se joint à la conversation.

Il est proche de la retraite et n’attend qu’une chose « ne plus mettre les pieds dans [ses] vignes ». Armand a l’allure des vignerons du Beaujolais : grand, l’air bonhomme, les tempes grisonnantes, le crâne chauve caché sous une casquette typique, sans oublier sa moustache. Ses mains sont le reflet de ces dures années de labeur : dures comme du roc, creusées par le maniement d’outils d’un autre âge…

Il vient s’asseoir à notre table. Visiblement, Armand a besoin de parler : « Oh ! Vous savez, monsieur… Noël, ce n’est plus ce que c’était. Maintenant, vous voyez les gamins, leur seul truc, c’est l’Internet. Ils ne savent plus s’amuser ».

 

« Pas possible d’acheter mieux qu’une modeste peluche à ma petite fille. »

 

Quand la discussion s’oriente autour des effets de la crise, Jean ne semble plus trop enclin à parler. Armand, lui, ne se laisse pas impressionner : « Comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? Quand vous voyez que des négociants nous obligent à vendre nos vins à 100€ la ‘pièce’ de 220 litres, comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? Ca ne rembourse même pas nos frais… et en plus, pas de négociations possibles ! Alors Noël!  Noël, on n’a pas les moyens de le fêter… Pas possible d’acheter autre chose qu’une modeste peluche à ma petite fille pour marquer le coup… Pour des vignerons, la situation est comique : on doit mettre de l’eau dans notre vin ». Sa détresse est visible. Sa colère également.

Jean, sans mot dire, semble  perdu dans ses pensées.

Il est vrai que la situation économique de la région est des plus alarmantes. Le moteur de la région est la viticulture. « Et quand le moteur s’essouffle, plus rien ne va. Plus personne dans la région n’a envie de consommer. ». Jeanine, gérante d’un bar à Beaujeu, a un avis bien tranché sur la question : « Si les vignerons n’ont plus un sou, comment voulez-vous que les autres en aient ? La crise touche tout le monde. Du vigneron au maçon… Et indirectement, les commerçants en font les frais. Et ça n’ira pas en s’arrangeant ! ».

 

« Qu’il fasse -10 ou 40°C, on est dans nos vignes. »

 

Pour pallier aux divers problèmes, les autorités ont trouvé comme solutions l’arrachage de parcelles pour en faire des terrains constructibles, la création d’un vin de pays, déclassé, sous le nom de « Vin du Pays des Gaules », ou encore la distillation des surplus. « C’est histoire de dire qu’ils se sont bougés pour nous… Mais pensez-vous, assis sur leur banc, bien au chaud à l’Assemblée Nationale, ils s’en foutent complètement de notre avenir. Nous, pendant ce temps, qu’il fasse -10 ou 40°C, on est dans nos vignes… à travailler pour rien ».

Finalement, certains vignerons, réticents à vendre leur produit à des négociants peu scrupuleux depuis que la situation s’est empirée en 2004, ont un stock équivalent à trois années de récolte dans leur cave.

D’après les dires de la plupart des habitants de la région, plus rien ne va : « On connait tous quelqu’un qui travaille dans les vignes… S’il est ouvrier, faute de moyens, ses patrons sont obligés de se séparer de lui : c’est le chômage. S’il est exploitant, deux possibilités : soit il a des terrains constructibles, auquel cas il pourra toujours s’en servir ou les vendre, soit il n’en a pas… et là, souvent, ce sont des drames familiaux : divorces, maladies, suicides… Comment voulez-vous que la région ait envie de fêter Noël dans ce contexte-là ? »


 

 

 

3 questions à… Jeanine R., gérante d’un bar à Beaujeu.

 

Vous qui êtes en contact direct et permanent avec la population, comment trouvez-vous le moral de la population pour ces fêtes de fin d’année ?

Globalement ? Les gens se plaignent de tout. Ils sont pessimistes, et ne croient plus en rien. On est bientôt le 15 décembre, et personne ne nous parle des cadeaux qu’ils ont achetés à leurs enfants, petits-enfants. En tant que gérante d’un bar, je suis bien placée pour savoir ce qui se passe chez les gens. C’est facilement qu’on vient me raconter ses problèmes… En ce moment, la joie n’est pas là.

 

Lorsque vous dîtes que personne ne vous parle des cadeaux à leurs enfants, cela voudrait-il dire que les années précédentes, c’était différent?

En effet, ça n’a plus rien à voir. Auparavant, Noël, c’était synonyme de bonheur, de convivialité, de fêtes. Maintenant, Noël ne représente plus rien. Beaucoup disent que s’il n’y avait pas les enfants, ils ne fêteraient pas Noël…

 

Et certains se privent-ils ?

Oui… je sais que certaines personnes vont rester seules cette fin d’année. Ca m’attriste. Vous savez, la crise viticole est sans précédent. Elle affecte tous les milieux : du viticulteur au maçon, de l’étudiant au retraité. Le nombre de divorce a augmenté. Souvent, pour Noël, c’est la maman qui a les enfants. Le papa se retrouve seul.

 

Florent D

Publié dans zoom sur le monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
En un an, rien n'a changé... les élections n'ont fait qu'empirer le bordel!T'as bien la chance de les avoir, tes DorIFORES, Guillaume, crois-moi :)! 
Répondre
A
Un trés bon article, sur un sujet qui semble te tenir à coeur...La situation en provence, reste malgré tout moins catastrophiques du fait du tourisme toujours omniprésent, mais néanmoins, la crise viticole en france est réelle...
Répondre